Installation d’un analyseur de mercure atmosphérique à la station de haute altitude de Chacaltaya

En juin, Olivier Magand Ingénieur du LGGE, arrive à La Paz pour une mission de terrain d’un mois dans le cadre de l’installation d’appareils de mesure du mercure atmosphérique à l’Observatoire atmosphérique de Chacaltaya. Olivier Magand et Aurélien Dommergue sont responsables scientifiques et techniques sur les projets Mercure du LGGE. Cette installation bénéficie du soutien du LABEX OSUG@2020.

© IRD / C. González

Le mercure est un métal possédant un mode de transport rapide sous forme gazeuse via l’atmosphère et qui, en outre, se bioaccumule dans les organismes vivants, les ressources halieutiques notamment. De ce fait, les populations du globe sont toutes potentiellement exposées, à différents niveaux, à ce composé neurotoxique. Des sources locales (orpaillage, mines, combustions de charbon) renforceront l’exposition des populations en émettant des composés déposés localement. Ces sources contribueront également aux émissions globales car le mercure, une fois déposé, est pour partie remobilisé vers l’atmosphère. La localisation de Chacaltaya et l’origine des masses d’air clairement identifiés permet d’accéder à de multiples facettes du cycle du mercure. Installer une instrumentation pour le suivi en continu du mercure gazeux en complément des autres paramètres mesurés à Chacaltaya donne accès :

Le Laboratoire de physique de l’atmosphère à Chacaltaya. © IRD / C. González


 A la quantification à une plus large échelle des émissions humaines issues des activités régionales (mines et orpaillage) en complément des activités menées à plus basse altitude par l’IRD sur les lacs ou la forêt amazonienne par exemple.

 A l’étude de la contribution de feux de biomasses aux émissions régionales et planétaires de mercure. La canopée stocke du mercure libéré ensuite par les combustions.

 A des masses d’air de troposphère libre permettant de compléter notre connaissance des niveaux atmosphériques de l’Hémisphère Sud (en complément de sites déjà opérés par le LGGE) et de nourrir nos connaissances sur les émissions naturelles de mercure.

 Une caractérisation poussée de la réactivité en haute troposphère. Les zones de hautes altitudes sont favorables, par la présence de composés oxydants, à la formation de composés divalents du Hg. Ces composés réactifs et solubles sont donc rapidement déposés localement/régionalement. Les mécanismes de réactivité, leur origine et leur intensité sont rarement étudiés sauf par des mesures ponctuelles aéroportées. Ce site et les paramètres multiples existant permet d’avoir accès à une chimie détaillée et nous donnera donc le potentiel de formation d’espèces dispersables de mercure dans l’environnement.

L’observatoire atmosphérique de Chacaltaya :
La composition de l’atmosphère bolivienne examinée à la loupe

Chacaltaya, 5240 m (masl) en Bolivie, fût longtemps la plus haute station de ski au monde, mais cessa son activité suite à la disparition de son glacier mythique en 2010. Ces glaces andines, encore bien préservées sur les plus hauts sommets de la cordillère des Andes, archivent la composition atmosphérique passée en aérosols et gaz à effet de serre dans leurs strates de neige et dans les bulles d’air piégées dans la glace. Des carottes de glace extraites de ces glaciers par l’équipe Great Ice de l’IRD, ont permis de reconstruire l’évolution du climat et les changements environnementaux de cette région depuis les derniers millénaires. Cependant, un plus vaste réseau d’observation atmosphérique concernant sa composition chimique et ses propriétés physiques est nécessaire, de l’échelle locale à une couverture globale, afin d’aider à la compréhension des processus atmosphériques, d’affiner les modèles atmosphériques, et d’observer l’impact anthropique.

Panorama sur le site de l’observatoire atmosphérique de Chacaltaya avec au sommet la station météorologique ainsi que le système de filtration des aérosols, et un peu plus bas, dans les bâtiments du LFA, les instruments de mesures en continu d’analyses des aérosols, des gaz et du mercure. © IRD / Patrick Ginot

Sous la conduite du Laboratoire de Physique de l’Atmosphère de la UMSA à La Paz (Bolivie) et le soutien de l’IRD, un consortium d’institutions boliviennes (LFA, SENAHMI) et de laboratoires européens (France, Italie, Allemagne, Suisse, Suède) a équipé le site de Chacaltaya pour le transformer en observatoire atmosphérique. Deux sites sont instrumentés pour une mesure continue des aérosols (composition chimique, concentration et distribution de taille, carbone suie), des gaz réactifs (ozone), gaz à effet de serre (CO2), et des conditions météorologiques. Installé sur une crête de la cordillère entre le bassin amazonien et l’altiplano, à seulement 20km de La Paz, ce site est idéalement situé pour fournir des informations sur les émissions anthropiques locales, mais aussi pour la caractérisation de l’atmosphère globale proche de la troposphère libre, principalement influencé par des remontées de l’océan Pacifique et des masses d’air amazoniennes. Cette dernière région étant particulièrement intéressante car elle subit des changements environnementaux pouvant affecter la composition atmosphérique à grande échelle.

Les premières mesures démarrent dès décembre 2011, et l’observatoire est officiellement inauguré le 3 avril 2012. Cette collaboration scientifique entre les laboratoires du Sud et européens permet le bon fonctionnement de l’observatoire qui sert de cadre à la formation d’étudiants et au renforcement du potentiel de recherche en Bolivie. La station est intégrée dans le réseau du « Global Atmospheric Watch (GAW) » de l’Organisation Mondiale de la Météorologie et rejoint ainsi son homologue NCO-P du Népal. Cette nouvelle station de Chacaltaya permet de combler le manque d’observations en Amérique du Sud, mais aussi en haute altitude.

A partir de juin 2014, le site sera équipé d’un nouvel instrument (TEKRAN) afin de mesurer la concentration atmosphérique en mercure et intégrera le réseau d’observation GMOS. Le programme européen GMOS (FP7, 2010-2015) est une initiative internationale pour améliorer notre connaissance des variations et de la réactivité du mercure (Hg) dans l’atmosphère à l’échelle globale. Ce programme rassemble 24 partenaires et met l’accent sur les observations terrestres continues, des campagnes océanographiques et l’utilisation de modèles régionaux et globaux. C’est un outil important de l’action « Tracking Pollutants HE-02-C1 » du partenariat international GEO (Group on Earth Observations). GMOS est aussi au cœur des enjeux environnementaux et géopolitiques depuis la naissance en janvier 2013 de la convention internationale (Minamata convention) qui régulera les usages et émissions de Hg (combustion de charbon, activités minières, etc) à l’échelle de la planète. Cette convention doit améliorer la qualité des écosystèmes et les conditions de vie de millions de personnes exposées à ce polluant neurotoxique.

Contact scientifique local
 Olivier Magand, LGGE, 0476824232, magand |a| lgge.obs.ujf-grenoble.fr
 Aurélien Dommergue, LGGE, 0476824211, Aurelien.Dommergue |a| lgge.obs.ujf-grenoble.fr

Cette actualité est également relayée par
 l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) : Installation d’un analyseur de mercure atmosphérique à la station de haute altitude de Chacaltaya et L’observatoire atmosphérique de Chacaltaya : La composition de l’atmosphère bolivienne examinée à la loupe
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Mis à jour le 16 juin 2014