Des chutes de neige accrues amortiraient le réchauffement climatique en Antarctique

communiqué publié le 1er juillet 2012

L’augmentation des chutes de neige en Antarctique pourrait amortir le réchauffement climatique futur sur ce continent, d’après les travaux d’une équipe française comprenant des chercheurs du LGGE et de l’unité mixte internationale Takuvik (CNRS / Université de Laval). À l’aide d’images satellite et de modélisations numériques, les chercheurs ont montré que la hausse des températures en Antarctique impliquera des précipitations accrues et donc, une neige plus « blanche » qui réduira l’amplitude du changement climatique au centre du continent. Ces travaux révèlent une boucle de rétroaction négative agissant sur les températures sous-estimée jusqu’à présent. Publiés le 1er juillet 2012 dans la revue Nature climate change, ils permettront notamment d’améliorer la prise en compte de la neige dans les modèles utilisés pour prévoir l’évolution du climat mondial.

L’énergie solaire absorbée par la surface du continent antarctique dépend de l’albédo de la neige, c’est-à-dire de sa « blancheur ». L’albédo dépend quant à lui, de la taille des grains de neige. Phénomène bien connu des physiciens, les fines particules qui composent la neige, une fois déposées en surface, tendent à grossir d’autant plus vite que la température est élevée. Ce grossissement induit une diminution de l’albédo, ce qui a pour conséquence d’augmenter les températures. Les climatologues ont toujours eu conscience de l’importance de cette rétroaction positive.

Etendue couverte de neige caractéristique du plateau Antarctique.
© Jean-Charles Gallet, IPEV

Mais d’après les nouveaux travaux de chercheurs du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (CNRS / UJF) et de l’unité mixte internationale Takuvik (CNRS / Université de Laval), cet effet est partiellement compensé par une rétroaction négative sous-estimée jusqu’à maintenant.En effet, grâce à des satellites observant la surface de l’Antarctique dans les longueurs d’onde micro-ondes, les scientifiques ont montré que, lors des étés marqués par des chutes de neige estivales fortes, l’albédo n’avait pas changé significativement : la surface était recouverte de grains de neige fins se renouvelant constamment. Or, dans le futur, on peut s’attendre à une augmentation de la précipitation neigeuse en Antarctique. Il est bien connu que, lorsque les températures sont très basses, l’air est sec et les précipitations neigeuses peu importantes. En Antarctique, un réchauffement climatique augmentera donc aussi les précipitations.

Evolution de la « taille de grain » vue par les satellites micro-onde depuis 1999 à la base franco-italienne Concordia en Antarctique (75°S, 123°E).
Les années 2002 et 2008 sont remarquables par un faible grossissement des grains. Les données météorologiques indiquent aussi des précipitations exceptionnelles pour ces deux années. Le « grain index » introduit dans cette étude est une combinaison de données satellite représentant approximativement la taille des grains dans les premiers centimètres du manteau neigeux.
© LGGE (CNRS / UJF)

D’après les chercheurs, dans un scénario climatique où la température du continent Antarctique s’élèverait de 3°C, l’accroissement des précipitations augmenterait l’albédo de 0,4%. Ceci compenserait les 0,3% de diminution de l’albédo dus à la montée des températures (boucle de rétroaction positive). Ainsi, malgré un réchauffement important de l’Antarctique, l’albédo ne variera que très peu sur une grande partie de ce continent. La boucle de rétroaction positive température-albédo ne s’établissant pas, le réchauffement climatique sur le continent Antarctique sera moins marqué que prévu. Les prévisions de réchauffement devraient être revues à la baisse de 0,5°C pour le centre du continent Austral. Ces recherches soulignent qu’il est encore nécessaire d’améliorer les modèles de neige utilisés aujourd’hui pour prédire l’évolution climatique future.

Ces travaux ont notamment bénéficié des soutiens de l’Institut polaire français (IPEV), de l’ANR et du CNRS à travers les programmes LEFE et PNTS.

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Référence
Inhibition of the positive snow-albedo feedback by precipitation in interior Antarctica, G. Picard1, F. Domine1,2, G. Krinner1, L. Arnaud1 and E. Lefebvre1, Nature climate change. 1er juillet 2012.
Lire l’article (en anglais)

1 Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement LGGE, CNRS / UJF
2 TAKUVIK Joint
International Laboratory, Université Laval (Canada) / CNRS (France)

Contacts
 Ghislain Picard, LGGE-OSUG
picard lgge.obs.ujf-grenoble.fr

 Gerhard Krinner, LGGE-OSUG
krinner lgge.obs.ujf-grenoble.fr

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Mis à jour le 18 décembre 2012