Risques sanitaires liés à la pollution aux métaux lourds en Amazonie équatorienne et impact potentiel des activités pétrolières

Bogue de cacao malade, à Dayuma en Équateur. © Sabine Desprats Bologna/GET/CNRS Photothèque
En Équateur, le développement des activités pétrolières et la déforestation associée, notamment dans la région nord amazonienne, entrainent des effets délétères sur les écosystèmes mais aussi sur la santé des populations, en raison surtout des conditions de vie, souvent précaires, propres à l’Amazonie. Les populations sont donc exposées par inhalation, ingestion et contact dermique à un cocktail de polluants dont des métaux lourds. Des chercheurs du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP, UPS / CNRS / IRD / CNES) et de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) ont pu distinguer les pollutions issues de phénomènes naturels (comme les volcans), de l’agriculture et de l’exploitation pétrolière. Ils ont également pu montrer que les indices de risque sanitaire calculés à partir des éléments cancérigènes ou non présents dans les produits cultivés et les eaux de consommation dépassent de 2 à 13 fois les valeurs recommandées. Cette équipe a également considéré la vulnérabilité sociale des communautés face au risque de contamination de leur environnement, c’est à dire les dispositions sociales à faire face ou non à ces risques, à se protéger ou non des aléas qui affectent leurs ressources.

Des chercheurs du GET ont échantillonné au total 15 fincas (exploitations agricoles familiales) en Amazonie équatorienne en vue de déterminer les concentrations en arsenic (As), baryum (Ba), cobalt (Co), cuivre (Cu), cadmium (Cd), chrome (Cr), manganèse (Mn), molybdène (Mo), nickel (Ni), plomb (Pb), vanadium (V) et zinc (Zn) dans les sols, les cultures, l’eau de consommation et l’air.
Suite aux analyses réalisées avec un chercheur de l’IGE, les résultats montrent que le Ba dans les sols dépasse les valeurs seuils de la norme équatorienne (200 mg/kg) dans 53 % des sites. Il est fortement concentré dans les citrons et le Mn dans les bananes et ananas. Le Cd est accumulé dans les cacaos et le Pb dans le manioc, les concentrations de ces 2 éléments dépassant dans la majorité des échantillons la réglementation de l’UE. En revanche, dans les eaux de consommation et les aérosols, les teneurs en métaux restent sous les seuils internationaux. Cependant, le Ba et le Mo, marqueurs des activités pétrolières, présentent des concentrations élevées dans les PM10 (PM10 - les particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres).

À partir des concentrations en métaux lourds mesurées, les chercheurs ont calculé 2 indices de risque sanitaire d’après la United States environmental protection agency (US EPA - 2015) : le Hazard quotient (HQ) calculé à partir des concentrations en éléments non cancérigènes et le Total cancer risk (TCR) spécifique des composés cancérigènes (As, Cd, Cr et Ni). Ces quotients dépassent de 2 à 13 fois les valeurs recommandées, suggérant que les habitants de l´Amazonie sont soumis à des doses élevées de métaux via la consommation de produits cultivés (Ba et Mn) ou d’eau de pluie enrichie en Zn. Le Cr est responsable de 47 % (80 %) du risque cancérigène par inhalation chez les adultes (enfants). L’arsenic contenu dans l’eau ingérée est quant à lui responsable de 11 % (20 %) de ce risque. La présence de Zn et As n’est pas liée aux activités pétrolières, contrairement au Ba et au Cr.
Ces valeurs de risque sont hétérogènes car inégalement réparties sur le territoire. L’exposition varie en fonction de nombreux facteurs (distance aux aléas, durée et intensité de l’exposition, l’âge des personnes, leur niveau de santé, leur mobilité, etc.). Ces indices peuvent également être surestimés, puisque les métaux sont rarement complètement assimilés par l’organisme, suggérant ainsi la prise en compte de la part bioaccessible d’un contaminant plutôt que sa concentration totale. Il est également important de considérer la vulnérabilité sociale des communautés, c’est à dire leurs dispositions sociales à faire face ou non à ces risques, à se protéger ou non des aléas qui affectent leurs ressources. Ainsi, la "culture du risque" joue-t-elle un rôle fondamental dans l’exposition des populations aux contaminants environnementaux.

Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du projet ANR MONOIL sur le monitoring environnemental et les liens avec la santé, la société et l’exploration pétrolière en Équateur.


Source

Distribution, contents and health risk assessment of metal(loid)s in smallscale farms in the Ecuadorian Amazon : an insight into impacts of oil activities - Barraza. F, Maurice. L Uzu. G, Becerra. S, Lopez. F, Ochoa-Herrera. V, Ruales. J & Schreck, E. - Science of the Total Environment, 2017 Dec 3 ;622-623:106-120
DOI : 10.1016/j.scitotenv.2017.11.246. [Epub ahead of print]

Contact scientifique local

  Gaëlle Uzu, IGE/OSUG gaelle.uzu[at]univ-grenoble-alpes.fr,+33 (0)4 56 52 09 94

Cet article a été publié par

► l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)

Mis à jour le 18 juillet 2018