Pollution globale au mercure : le bruit de fond atmosphérique de l’hémisphère sud est enfin établi

Vue de l’île Amsterdam
© Manuel Barret

Des chercheurs et ingénieurs du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE/OSUG, CNRS / UJF) et du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CNRS / CEA / UVSQ) ont analysé deux années complètes de mesure des concentrations atmosphériques de trois espèces chimiques du mercure sur l’île Amsterdam dans les Terres australes et antarctiques françaises (dans l’océan Indien). Ces travaux coordonnés par le LGGE ont permis de déterminer précisément les valeurs du bruit de fond de la pollution atmosphérique au mercure dans l’hémisphère sud : 1,03 nanogrammes par m3 pour le mercure élémentaire gazeux (50% de moins que dans l’hémisphère nord), et quelques picogrammes par m3 d’espèces réactives gazeuses ou particulaires.

 

Unité de spéciation permettant la mesure en continu des espèces atmosphériques du mercure
© Hélène Angot, LGGE/OSUG

Compte tenu du caractère toxique des différentes espèces chimiques du mercure, il est essentiel de bien comprendre son cycle à l’échelle mondiale. Aussi le programme européen GMOS (Global mercury observation system), qui comprend 24 partenaires, a-t-il été mis en place en 2010 afin de contribuer à la création, à l’échelle de la planète, d’un réseau d’observation du mercure dans l’air et les précipitations et de mettre à disposition de la société civile une vaste base de données et des outils de modélisation pour améliorer la prévision de la réactivité, du transport et des dépôts de cet élément toxique.
Ces outils de surveillance et de prévision, ainsi que les connaissances scientifiques qu’ils permettent d’acquérir, sont destinés à aider les gouvernements à élaborer des réglementations sur les émissions de mercure. C’est ainsi que GMOS a collaboré à la mise en place du traité international sur le mercure, ou convention de Minamata signée en janvier 2013, actuellement en attente de ratification par la France. Ce traité vise à diminuer les utilisations du mercure au niveau mondial, dans l’industrie chimique et dans les piles, amalgames dentaires et appareils de mesure, à interdire à terme son extraction minière, à réguler ses émissions atmosphériques liées à la combustion du charbon [1] ou encore à contrôler l’orpaillage artisanal. Une fois en vigueur, ce traité changera la vie des millions de personnes exposées directement ou indirectement à ce composé toxique au niveau mondial.

Opération de maintenance effectuée par les personnels hivernants
© Manuel Barret

Au sein du programme GMOS, le LGGE et l’UJF contribuent à la surveillance de régions aux conditions extrêmes de l’hémisphère sud (Antarctique et île Amsterdam). Jusqu’à présent, les scientifiques ignoraient presque tout des concentrations et du comportement du mercure dans ces régions, car les études étaient pour la plupart effectuées à bord de navires, ce qui ne permettait pas d’obtenir des données de qualité ou d’étudier les variations saisonnières de ce polluant.

L’île Amsterdam, un rocher perdu en plein secteur sud de l’océan Indien, à 5000 km de l’Afrique et 3000 km de l’Australie, est l’endroit idéal pour capter un signal non influencé par les émissions humaines de mercure et documenter sa réactivité au-dessus des océans. Sur cette île en effet, seules quelques masses d’air arrivant d’Afrique, et contenant des résidus de feux de biomasse, viennent timidement et rarement perturber le signal mesuré

Ces travaux ont été financés par GMOS EU-FP7. Ils ont également bénéficié du support additionnel du programmes SAMOA (programme LEFE du CNRS-INSU) et du LABEX OSUG@2020, d’un fort soutien logistique et humain de l’IPEV (programme GMOstral 1028) et de la contribution quotidienne des hivernants des bases sub-australes et antarctiques.

Une station de surveillance des concentrations de trois espèces atmosphériques du mercure (voir l’article du 23 février 2012) a donc été installée en 2011 sur cette l’île par des chercheurs du LGGE. En deux ans, quelques 10000 mesures à haute résolution temporelle (une mesure toutes les 5 minutes) ont pu être réalisées, fournissant la plus longue série temporelle jamais obtenue pour le mercure dans l’hémisphère sud.

L’analyse de cette série de données par des chercheurs du LGGE et du LSCE a permis de fixer précisément les valeurs du bruit de fond de la pollution atmosphérique due au mercure dans l’hémisphère sud :
 1,03 nanogrammes par m3 pour le mercure élémentaire gazeux (50% de moins que dans l’hémisphère nord),
 quelques picogrammes par m3 d’espèces réactives gazeuses ou particulaires.

Les chercheurs ont également pu mettre en évidence la faible réactivité du mercure élémentaire gazeux dans les basses couches de l’atmosphère, contrairement à ce que prévoient les modèles et certaines études réalisées à bord de navires.
Ces mesures, qui se poursuivent actuellement, vont servir à améliorer les modèles de transport et de dépôts de mercure qui sont de précieux outils de prévisions.

Contacts scientifiques locaux
 Aurélien Dommergue, LGGE/OSUG : dommergue |a| lgge.obs.ujf-grenoble.fr, 04 76 82 42 11
 Hélène Angot, LGGE/OSUG : helene.angot |a| lgge.obs.ujf-grenoble.fr, 04 76 82 42 00

Cette actualité est également relayée par
 l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS - INSU
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Références
Angot, H., Barret, M., Magand, O., Ramonet, M., Dommergue, A., 2014. A 2-year record of atmospheric mercury species at a background Southern Hemisphere station on Amsterdam Island. Atmospheric Chemistry and Physics 14, 11461-11473.

[1Le charbon extrait du sous-sol contient des métaux, dont le mercure. Ce dernier est libéré dans l’atmosphère lors de la combustion du charbon, sauf quand des procédés spécifiques d’épuration des fumées sont utilisés, comme c’est aujourd’hui le cas en Europe et en Amérique du Nord. Dans son "mercury report" de 2013, l’UNEP estime qu’environ 500 tonnes partent ainsi vers l’atmosphère chaque année, ce qui correspond au quart des émissions de mercure issues des activités humaines.

Mis à jour le 26 novembre 2014