Subglacior, une sonde révolutionnaire pour explorer le climat du passé

Le projet Subglacior porté par Jérôme Chappellaz et Olivier Alemany du LGGE vise à développer une nouvelle génération d’instruments d’analyse de la glace polaire ancienne pour reconstruire l’évolution du climat et des gaz à effet de serre dans le passé. Ces instruments s’appuient sur une nouvelle technologie laser mise au point par l’équipe de Daniele Romanini (LaME-LIPhy, associée à l’Observatoire). Le projet Subglacior a pu voir le jour grâce à l’aide de la fondation BNP Paribas qui a financé la première phase de conception de la sonde. Ce partenariat original entre une fondation issue d’une entreprise privée et un laboratoire de recherche fondamentale s’est vu récompensé le 28 février lors de la remise des trophées du mécénat par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement.

La finalité du projet de recherche appliquée Subglacior, fruit du partenariat entre le CNRS, le LGGE, l’International partnership in core ice science (IPCIS) et la Fondation BNP Paribas, est de concevoir, construire et déployer en Antarctique un nouveau type de sonde pour obtenir les enregistrements climatiques les plus anciens, au-delà d’un million d’années, en une seule saison de terrain. Les données seront mesurées sur toute l’épaisseur de glace et caractériseront le potentiel du site ainsi que la variabilité du climat et de la composition atmosphérique entre 1 500 000 ans et 800 000 ans vers le passé.

Révolutionner la paléoclimatologie grâce à une nouvelle sonde
La construction de cette sonde résoudra un problème technologique et scientifique majeur pour l’étude du climat. Voici 1 500 000 ans à 800 000 ans, les archives marines ont montré une modification radicale de la variabilité climatique, basculant entre des glaciations peu intenses mais fréquentes (tous les 40 000 ans), à des glaciations plus longues, et plus prononcées (tous les 100 000 ans). Étendre les enregistrements antarctiques jusqu’à 1 500 000 ans vers le passé est indispensable pour comprendre les mécanismes, les non linéarités, les rétroactions de cette transition majeure du système climatique, la plus spectaculaire et la plus récente.
Cette réorganisation climatique majeure reste à ce jour inexpliquée car aujourd’hui, dans les conditions technologiques actuelles, il est quasiment impossible de collecter des données supérieures à 800 000 ans. Une glace aussi ancienne ne peut se trouver que dans les 10% au fond de la calotte antarctique. Cependant, l’écoulement de glace au voisinage du socle rocheux est complexe et le choix d’un site pour des opérations lourdes de forage traditionnel (raids, construction d’un camp, 5 campagnes de terrain, budget de l’ordre de 30 millions d’euros) est un défi majeur.
Cette sonde in situ pourra explorer la glace profonde polaire et le couplage entre orbite terrestre, climat et gaz à effet de serre lors de la dernière réorganisation majeure du système climatique, en une seule saison. Les modèles sur le climat pourront enfin être confrontées à des données empiriques précises sur le climat et les concentrations de CO2 sur 1,5 millions d’années, et donneront des pistes d’explication du précédent changement climatique majeur qui est apparu sur notre terre.

Schéma général de l’instrument laser, basé sur la technologie OFCEAS brevetée par le LIPhy, qui sera embarqué dans la sonde in situ du projet ERC ICE&LASERS pour analyser la composition de la glace au sein même des glaciers polaires.
© Daniele Romanini - LIPhy

Mécanisme de la sonde
Cette sonde révolutionnaire s’attaque à des défis scientifiques majeurs, grâce à une technologie innovante et un consortium de 3 partenaires très expérimentés des différents centres de recherche, depuis le travail de terrain jusqu’à la meilleure exploitation scientifique des résultats. Le principe de cette sonde réside dans une technologie laser française innovante permettant la mesure en temps réel, sur un instrument embarqué dans un carottier, de paramètres clés (isotopes de l’eau, concentration de l’air piégé dans la glace en méthane…). Les progrès de la spectroscopie laser dans le proche et moyen infra-rouge (technique brevetée OFCEAS) permet maintenant de produire des mesures ultra-précises sur un instrument suffisamment compact et robuste pour qu’il puisse être utilisé en conditions extrêmes.

Coût du projet
Le mécénat de la BNP Paribas, d’une hauteur de 100K euros, a permis aux trois centres de recherche de lancer la conception de la sonde. 55K euros ont été consacrés au salaire d’un ingénieur de recherche pendant un an, et 45K correspondent aux achats de matériaux et d’utilisation. La possibilité d’un renouvellement du financement est à l’étude.
Le budget total pour la construction de la sonde est de 1.3 M€ (instrument laser, 0.4 M€ ; carottier, câble, treuil, électronique : 0.9 M€)

Calendrier du projet

  • Année 1 : conception de l’instrument laser, de la sonde, des membranes, choix du liquide de forage
  • Année 2 : réalisation de l’instrument miniaturisé, construction du système électronique de transmission, intégration, tests en milieu contrôlé (chambres froides)
  • Année 3 : test du prototype à Concordia ; identification du meilleur site pour obtenir un enregistrement sur 1 500 000 ans
  • Année 4 : déploiement sur site (mission de terrain de 90 jours), acquisition des données, exploitation scientifique.

Pour en savoir plus
 Un partenariat original entre la fondation BNP Paribas et le LGGE récompensé aux Trophées du mécénat
 ICE et LASERS, un projet pour l’étude du climat et de l’atmosphère passés, sélectionné par le Conseil européen de la recherche (ERC advanced Grant, novembre 2011)

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Mis à jour le 30 juillet 2012