Suivi des pluies : la téléphonie mobile prend le relai

Les chercheurs du consortium Rain Cell Africa, parmi lesquels des membres du LTHE, proposent dans une publication parue dans la revue Geophysical Research Letters d’exploiter les données des antennes relais pour la téléphonie mobile afin d’améliorer le suivi et la spatialisation des pluies. Selon leurs travaux, cette méthode serait fiable à 95% pour détecter les évènements pluvieux.

Agriculture, gestion des ressources en eau, alertes à la sécheresse ou inondations… : le suivi des pluies est essentiel dans de multiples domaines. Mais les réseaux d’observation demeurent insuffisants. Ce n’est pas le cas des antennes relais pour la téléphonie mobile, qui couvrent 90% des zones habitées dans le monde. Outre transmettre les signaux radios, elles enregistrent les perturbations du signal pour la surveillance de la qualité des réseaux, en partie dues aux précipitations. L’idée des chercheurs du consortium Rain Cell Africa est de tirer parti de cette quantité de données pour améliorer le suivi et la spatialisation des pluies. Une méthode dont ils viennent de prouver l’efficacité, montrant une fiabilité de 95% pour détecter les événements pluvieux. Ces travaux, menés au Burkina Faso, viennent de paraître dans la revue Geophysical Research Letters.

Pylône avec antenne de télécommunication et station de mesure météorologique au Burkina Faso.
© F. Cazenave

Une ingénieuse idée

Les scientifiques du consortium Rain Cell Africa viennent de tester avec succès au Burkina Faso une méthode extrêmement innovante de suivi des pluies. Le principe est simple. Il s’agit de tirer parti d’une propriété des pluies bien connue des professionnels de la télécommunication : les gouttes d’eau atténuent le signal radio transmis entre deux antennes. Deux phénomènes interviennent. D’une part, elles absorbent une fraction de l’énergie véhiculée par les ondes. De l’autre, elles diffusent ces ondes et les détournent de leur trajet initial. Ainsi, lorsqu’il pleut entre deux antennes relais, l’intensité des signaux reçus chute. Une préoccupation majeure pour les compagnies de téléphonie mobile, qui mesurent et enregistrent ces perturbations du signal hertzien afin de connaître en permanence l’état de santé de leur réseau.

Efficacité prouvée

Les compagnies nationales de téléphonie possèdent ainsi quantité d’informations sur les pluies dans leur pays. Une aubaine pour les études de suivi et spatialisation des précipitations, en particulier en Afrique. Grâce à un partenariat avec l’opérateur burkinabé Télécel Faso, les chercheurs du laboratoire Lame de l’université de Ouagadougou et des laboratoires GET (IRD / CNRS / université Toulouse 3) et LTHE (CNRS / IRD / UJF / Grenoble INP) ont pu accéder aux précieuses données sur l’atténuation du signal hertzien, enregistrées par la compagnie lors de la mousson de l’année 2012. Ils en ont déduit les volumes de pluies tombés durant cette période et les ont comparés avec les mesures classiques de radars et pluviomètres. L’efficacité de la méthode est démontrée : 95 % des événements pluvieux ont été détectés. C’est la première fois que cette technique est évaluée quantitativement.

Prendre le relai de dispositifs insuffisants

Le suivi des pluies en Afrique est une problématique majeure pour de nombreuses applications de recherche (modélisation hydrologique, climatique et agricole) mais aussi opérationnelles (météorologie, services des eaux, sécurité alimentaire, alertes inondation ou sécheresse, etc.). Or les réseaux d’observation au sol (pluviomètres), coûteux à mettre en place et à entretenir, sont insuffisants et se dégradent. Le suivi satellitaire et les prévisions météorologiques demeurent entachés d’incertitudes, notamment aux échelles spatiales et temporelles très fines. En revanche, 20 % des terres émergées dans le monde sont dotées d’un réseau mobile, couvrant 90 % de la population mondiale. Et ces réseaux sont en constante expansion. En ville en particulier, où la densité des réseaux est élevée, cette technique permettra de proposer des cartes de pluies très précises pour ces zones où le risque d’inondation est accru.

Reste une condition : convaincre les opérateurs nationaux de téléphonie mobile de collaborer à cette mission d’intérêt général, en livrant leurs données brutes aux équipes de recherche.

Contact scientifique local  
 Frédéric CAZENAVE, LTHE cazenave ird.fr 04 76 82 50 67

Cette actualité est également relayée par
 Institut de Recherche pour le Développement - IRD
...

Référence
Doumounia A., Gosset Marielle, Cazenave Frédéric, Zougmore F., Kacou M. Rainfall Monitoring based on Microwave links from cellular telecommunication Networks : First Results from a West African Test Bed. Geophysical Research Letters , 2014.

Mis à jour le 2 septembre 2014