Le changement climatique réduit notre accès au matériel extraterrestre

Université libre de Bruxelles
Deux scientifiques en train de découper une météorite submergée sous la glace, une tâche laborieuse comparée à la collecte directe de la plupart des échantillons à partir de la surface. Photo prise lors de la mission sur le terrain JARE-51 de 2009-2010 à Balchenfjella, en Antarctique. Crédit : Steven Goderis, Vrije Universiteit Brussel.
Le réchauffement climatique fait disparaître les météorites, et avec elles, nos connaissances extraterrestres. Une équipe de chercheur·e·s, comprenant un scientifique de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE-OSUG, CNRS/UGA/IRD/INRAE/Grenoble INP - UGA) et co-pilotée par l’ULB et son Laboratoire de glaciologie (GLACIOL), publie, dans Nature Climate Change, une étude sur cet impact inattendu du changement climatique qui bride notre connaissance du système solaire.
L’Antarctique abrite de nombreuses et importantes concentrations de météorites - échantillons uniques de corps extraterrestres - à sa surface. Le continent glacé renferme une grande quantité d’informations sur notre système solaire, nous permettant de comprendre, par exemple, l’apparition de la vie sur Terre ou la formation de la Lune.

Une étude, menée par des scientifiques de l’Université libre de Bruxelles, de l’ETH Zurich, du WSL Birmensdorf, de la Vrije Universiteit Brussel, de l’Université de Liège et de l’Université Grenoble-Alpes, a mis en avant la responsabilité du réchauffement climatique dans la disparition rapide des météorites, une perte aux conséquences importantes pour notre compréhension et nos connaissances de l’extraterrestre.

Utilisant l’intelligence artificielle pour combiner observations satellitaires du continent et projections climatiques, les scientifiques ont calculé que pour chaque dixième de degré d’augmentation de la température de l’air à l’échelle mondiale, 5 100 à 12 200 météorites disparaissent de la surface de la calotte glaciaire. D’ici 2050, environ un quart des météorites auront disparu et ce chiffre pourrait atteindre les trois quarts d’ici la fin du siècle - en fonction des futures émissions de gaz à effet de serre.

Météorite antarctique (HUT 18033) partiellement encastrée dans la glace, contrairement à la plupart des échantillons qui sont collectés alors qu’ils reposent à la surface. Météorite collectée par le projet Lost Meteorites of Antarctica. Crédit : Katherine Joy, Université de Manchester, Projet Lost Meteorites of Antarctica.



Veronica Tollenaar, doctorante au Laboratoire de Glaciologie (GLACIOL), Faculté des Sciences – ULB, a codirigé l’étude.

Même lorsque les températures de la glace sont bien en dessous de zéro, les météorites sombres chauffent tellement au soleil qu’elles peuvent faire fondre la glace sur laquelle elles sont posées. De ce fait, la météorite chaude crée une dépression locale dans la glace et, avec le temps, disparaît complètement sous la surface"

, explique la chercheuse.

À mesure que les températures atmosphériques augmentent, la température de surface de la glace augmente, ce qui intensifie ce processus, car il faut moins de chaleur provenant des météorites pour faire fondre localement la glace."

À ce jour, on estime qu’il reste au moins 300 000 météorites à la surface de la calotte glaciaire de l’Antarctique. L’étude révèle qu’en raison du changement climatique, environ 5 000 météorites disparaissent chaque année, soit cinq fois plus vite que le rythme auquel elles sont collectées.

Harry Zekollari, codirecteur de l’étude, Laboratoire de Glaciologie (GLACIOL), Faculté des Sciences – ULB et VUB, insiste sur la nécessité d’un effort international majeur :

nous devons intensifier et coordonner la récupération des météorites antarctiques avant qu’elles ne soient perdues à cause du changement climatique. À l’instar de la collecte de carottes de glace dans les glaciers en voie de disparition ou de l’échantillonnage des récifs coralliens avant qu’ils ne blanchissent, notre étude identifie la perte de météorites comme un impact inattendu du changement climatique sur lequel il est nécessaire d’agir."

Christoph Kittel, chercheur IGE, conclu

La recherche scientifique sur l’avenir de l’Antarctique se concentre principalement sur l’évaluation de l’impact du réchauffement climatique de la calotte sur nos régions, en particulier sa contribution à l’élévation du niveau de la mer. Cependant, cette étude montre une nouvelle fois que les changements climatiques ne se limitent pas seulement à des conséquences tangibles telles que l’élévation du niveau de la mer ou l’altération de la biodiversité. Ils peuvent également avoir des répercussions plus abstraites, telles que l’exploration de notre univers à travers la recherche sur les météorites."


Référence

Tollenaar, V., Zekollari, H., Kittel, C. et al. Antarctic meteorites threatened by climate warming. Nat. Clim. Chang. 14, 340–343 (2024). DOI : 10.1038/s41558-024-01954-y

Contact scientifique local

 Christoph Kittel, Chercheur UGA à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE-OSUG, CNRS/UGA/IRD/INRAE/Grenoble INP - UGA)

Ce communiqué de presse a été publié par l’ UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES.

Mis à jour le 10 avril 2024