Le télescope James Webb assiste en direct à la destruction d’un océan terrestre tous les mois

Communiqué de Presse Université Paris-Saclay / Université Toulouse III - Paul Sabatier / Laboratoire INCLASS (IAS/ACRI-ST) / Observatoire de Paris-PSL / Université Grenoble Alpes / CNRS / CNES
©NASA/ESA/CSA/PDRs4All/Salomé Fuenmayor
Une équipe internationale impliquant pour la partie française des scientifiques [1] de l’Université Paris-Saclay, de l’université Toulouse III - Paul Sabatier, du laboratoire commun INCLASS (IAS/ACRI-ST), de l’Observatoire de Paris-PSL, de l’Université Grenoble Alpes, du CNRS et du CNES, vient de mettre en évidence la destruction et la reformation d’une grande quantité d’eau dans un disque protoplanétaire situé au cœur de la nébuleuse d’Orion. Une étude publiée dans la revue Nature Astronomy.

Cette découverte a été rendue possible par une approche pluridisciplinaire originale combinant des observations du télescope spatial JWST et des calculs de physique quantique. Cette étude, a été effectuée dans le cadre du programme Early Release Science (ERS) PDRs4All [2] et dirigée par une jeune chercheuse, Marion Zannese, doctorante à l’Université Paris-Saclay.

L’eau est essentielle à la vie telle que nous la connaissons. Sur Terre, la majorité de l’eau de nos océans aurait été formée bien avant la naissance du Système solaire, dans des régions froides de l’espace interstellaire (-250 °C). Cependant, une fraction de cette eau pourrait avoir été détruite et formée à nouveau à plus haute température (100-500 °C) lorsque le Système solaire n’était encore qu’un disque de gaz et de poussières orbitant autour de notre jeune soleil.

Pour comprendre ce mystérieux cycle de disparition puis réapparition de l’eau, les astronomes ont tourné le télescope James Webb (JWST) vers “d203-506”, un disque protoplanétaire situé dans la Nébuleuse d’Orion, une pouponnière de systèmes planétaires. Le rayonnement ultraviolet intense produit par des étoiles massives entraîne la destruction et la reformation de l’eau dans d203-506, ce qui en fait un véritable laboratoire interstellaire.

Mais comment mettre en évidence la formation et la destruction de molécules situées à plus de mille années lumières de la Terre ? C’est une collaboration avec des experts en dynamique quantique [3], participant à la partie modélisation, qui a permis de relever le défi. Lors de la destruction de l’eau (H2O) par l’ultraviolet, une molécule d’hydroxyle (OH) est libérée avec un mouvement de rotation vertigineux, suivi de l’émission de photons dans l’infrarouge moyen qui voyagent jusqu’au JWST. Au total on estime que l’équivalent d’un océan terrestre est ainsi détruit tous les mois dans le jeune système d203-506.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Par un mécanisme similaire d’émission de photons dans l’infrarouge proche, JWST nous révèle que l’hydroxyle est produit en abondance à partir de l’oxygène atomique par la réaction O+H2. Or celui-ci est justement un intermédiaire clé dans la formation de l’eau puisqu’il réagit ensuite avec H2 pour former l’eau par la réaction OH+H2. Le cycle de destruction / formation est bouclé. Une partie de l’eau constituant nos océans pourrait être passée par un tel cycle.

À gauche et au centre : Le jeune disque d203-506 enfoui dans la Nébuleuse d’Orion vu par le JWST ©NASA/ESA/CSA/PDRs4All/Salomé Fuenmayor.
À droite : Animation/Schéma illustrant comment la formation et destruction de l’eau a pu être révélée par les observations JWST. © M. Zannese

Références

OH as a probe of the warm water cycle in planet-forming disks
Marion Zannese, Benoît Tabone, Emilie Habart, Javier R. Goicoechea, Alexandre Zanchet, Ewine F. van Dishoeck, Marc C. van Hemert, John H. Black, Alexander G. G. M. Tielens, A. Veselinova, P. G. Jambrina, M. Menendez, E. Verdasco, F. J. Aoiz, L. Gonzalez-Sanchez, Boris Trahin, Emmanuel Dartois, Olivier Berné, Els Peeters, Jinhua He, Ameek Sidhu, Ryan Chown, Ilane Schroetter, Dries Van De Putte, Amélie Canin, Felipe Alarcón, Alain Abergel, Edwin A. Bergin, Jeronimo Bernard-Salas, Christiaan Boersma, Emeric Bron, Jan Cami, Daniel Dicken, Meriem Elyajouri, Asunción Fuente, Karl D. Gordon, Lina Issa, Christine Joblin, Olga Kannavou, Baria Khan, Ozan Lacinbala, David Languignon, Romane Le Gal, Alexandros Maragkoudakis, Raphael Meshaka, Yoko Okada, Takashi Onaka, Sofia Pasquini, Marc W. Pound, Massimo Robberto, Markus Röllig, Bethany Schefter, Thiébaut Schirmer, Sílvia Vicente, Mark G. Wolfire. Nature Astronomy le 23 février 2024. https://arxiv.org/abs/2312.14056

Contact scientifique local

 Romane Le Gal, astronome adjointe CNAP à l’OSUG, rattachée à l’IPAG / OSUG

Ce communiqué de presse a initialement été publié par l’UGA.

[1En France, ces recherches ont impliqué des scientifiques de : l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS – CNRS/Univ. Paris-Saclay), l’Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay (ISMO – CNRS/Univ. Paris-Saclay), l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP/OMP – CNES/CNRS/UT3), INCLASS Common Laboratory (IAS/ACRI-ST), LERMA (Observatoire de Paris- PSL/CNRS, Sorbonne Universités), Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG - Université Grenoble Alpes/CNRS), l’Institut de Radioastronomie Millimétrique (IRAM - UGA/CNRS/IRD/METEO-FRANCE/INRAE).

[2PDRs4All (https://pdrs4all.org/) est l’un des treize programmes préliminaires exploratoires, dit Early release science sélectionnés par la NASA pour démontrer les capacités du JWST rassemblant un consortium international.

[3Notamment des scientifiques de : l’Institut de physique fondamentale (CSIS) et le département de chimie physique de l’Université Complutense de Madrid (UCM) (Espagne), le Département de chimie physique de l’Université de Salamanque (Espagne), l’Observatoire de l’Université de Leiden (Pays-Bas), l’Institut de Chimie (Gorlaeus Laboratories) de l’Université de Leiden (Pays-bas).

Mis à jour le 11 mars 2024