Confirmation de l’origine biogénique du carbone organique atmosphérique en Europe

Mont Elbrus, Caucase
Afin de mieux appréhender l’évolution du carbone organique dans l’atmosphère européenne au cours du 20ème siècle et d’identifier ses origines, une équipe de chercheurs internationaux, impliquant des scientifiques de l’institut des géosciences de l’environnement (IGE-OSUG, CNRS / UGA / IRD / INRAE) [1] a entrepris l’analyse chimique des carottes de glace extraites du Mont Elbrus, dans le Caucase. Leur étude a porté sur la quantification du carbone organique dissous (DOC) et de sa signature en 14C, permettant de distinguer le carbone d’origine biogénique (issu de la végétation) de celui provenant des combustibles fossiles. Les résultats mettent en lumière une augmentation significative de la part de carbone fossile dans l’atmosphère européenne au fil du 20ème siècle. Ainsi, bien que la végétation continue de représenter la principale source de carbone organique dissous, l’étude révèle une contribution significative d’origine humaine, notamment à travers la combustion du bois en période hivernale, soulignant ainsi son impact sur l’évolution de l’atmosphère et son rôle dans le changement climatique en cours.



Une bonne connaissance de la charge et de la composition de l’aérosol présent dans l’atmosphère actuelle et passée est nécessaire pour quantifier l’évolution du forçage radiatif et du climat à l’échelle régionale. Si l’évolution au cours du 20ième siècle de la fraction soufrée et azotée de l’aérosol est raisonnablement bien appréhendée, il n’en est pas de même pour sa fraction organique dont l’évolution est peu documentée et reste mal comprise en termes de sources.

L’analyse chimique de carottes de glace extraites en 2009 au Mt Elbrus dans le Caucase ont permis de documenter et comprendre l’évolution au cours du 20ième siècle des teneurs en carbone organique dissous (DOC) et de sa signature en 14C afin de distinguer le carbone issu de la biomasse de celui provenant des combustibles fossiles. Ceci a nécessité d’adapter la mesure du 14C aux très faibles masses de carbone présentes dans la glace de haute altitude (quelques micrograms). Proche de l’unité, la fraction de carbone modern (F14C) de la glace déposée avant 1950, décroit sensiblement dans les années 60. La comparaison entre la perturbation du F14C du CO2 atmosphérique résultant des tests nucléaires atmosphériques et l’évolution du F14C dans la glace du Caucase indique pour la période 1955-1980 une contribution anthropique de 32% en été, 47% en hiver.

En été, le changement de F14C dans la glace suit parfaitement celui du CO2, suggérant l’émission de composés organiques volatiles par la végétation comme source biogénique majeure (68%) de DOC. En hiver, un décalage de 3 ans est observé entre le F14C du DOC et celui du CO2 suggérant une contribution de la combustion du bois à la source biogénique. Ces résultats qui concernent le sud-est de l’Europe confirment une étude précédente (limitée à la glace estivale) réalisées dans les Alpes pour l’Europe de l’Ouest, à savoir l’omniprésence de la source biogénique de DOC pour l’atmosphère européenne et ce quelle que soit la saison.

Evolution passée des teneurs en carbone moderne pour le CO2 atmosphérique et le carbone organique dissous de la glace du Caucase : De 1925 à 1985 (A), de 1950 à 1980 en été (B), de 1950 à 1980 en hiver (C). © Legrand et al.

Référence

Legrand, M., Preunkert, S., Kutuzov, S., Siour, G., Mikhalenko, V., Dolgova, E., & Friedrich, R., 20th Century Changes of DOC and its 14C Signature Archived in Caucasus Ice-core : Implications for Past Sources of Organic Carbon Aerosol in South-eastern Europe, Journal of Geophysical Research-Atmospheres, 2024. DOI :10.1029/2023JD040121

Contact scientifique local

 Michel Legrand, Chercheur CNRS au LISA et à l’IGE / OSUG, michel.legrand lisa.ipsl.fr
 Suzanne Preunkert, chercheuse CNRS à l’IGE / OSUG, suzanne.preunkert univ-grenoble-alpes.fr

Cet article a été publié par le CNRS INSU.

[1Autre laboratoire CNRS impliqué : Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphèriques (LISA-IPSL, CNRS / UPEC / Univ. Paris Cité)

Mis à jour le 10 avril 2024