Révélation des secrets électrisants de la neige et de la glace polaires : Un changement de paradigme en chimie atmosphérique ?

Les régions polaires de la Terre continuent d’être le théâtre de phénomènes inattendus en chimie atmosphérique. Bien que ces régions soient éloignées des sources de pollution anthropogénique, ces substances peuvent s’accumuler dans la neige et la glace. De plus, des phénomènes tels que la destruction complète, bien que répandue, de l’ozone au niveau du sol, qui se produit uniquement là-bas, intriguent les scientifiques depuis des décennies. Aujourd’hui, un manuscrit innovant, "Electrical charging of snow and ice in polar regions and the potential impact on atmospheric chemistry", remet en question les paradigmes existants en chimie atmosphérique dans les régions polaires. Rédigée par Katya Tkachenko, de Institute of Geological Science of the National Academy of Sciences of Ukraine (IGS NASU) et Hans-Werner Jacobi, de l’institut des géosciences de l’environnement (IGE - OSUG) [1], cette étude approfondie explore un territoire inexploré, mettant au jour un impact potentiel, mais significatif, du chargement électrique sur les processus chimiques dans la neige et la glace polaires.

Traditionnellement, la physique de la glace et l’électrification atmosphérique se sont concentrées sur l’interface glace-vapeur, négligeant les implications chimiques potentielles dans les régions polaires. Le manuscrit révèle comment les processus à la surface de la Terre induisent l’électrification dans la neige, dépassant les seuils de force électrique. Cela déclenche probablement des décharges en lien avec l’effet de couronne, des jets de Rayleigh et accumule des charges électriques, favorisant des modifications chimiques telles que des phénomènes électroosmotiques et l’accumulation d’impuretés. Des "points chauds" de microsecondes génèrent des états hautement énergétiques, initiant des processus de radicaux libres et la production d’aérosols chargés. Le manuscrit remet en question les notions prédominantes, soulignant le rôle des forces électrostatiques dans l’explication de phénomènes débattus depuis longtemps. Il ouvre des voies pour des transformations chimiques pendant des conditions météorologiques traditionnellement défavorables, révolutionnant notre compréhension des atmosphères polaires.

L’étude analyse des observations sur le terrain, démêlant les incohérences dans la compréhension actuelle de la chimie de la neige et de la glace. Des approches novatrices pour des expériences sur le terrain et en laboratoire sont présentées, promettant une nouvelle ère à la croisée de la physique de la glace et de la chimie de la neige, améliorant notre compréhension des processus chimiques cryosphériques.

Cette réalisation innovatrice est le fruit des efforts collaboratifs de Katya Tkachenko de l’IGS NASU et de Hans-Werner Jacobi de l’IGE. Renforcée de manière significative depuis 2022, lorsque Katya Tkachenko a assumé le rôle de scientifique invitée à l’Université Grenoble Alpes, leur collaboration a été en outre soutenue par le programme PAUSE du Collège de France.

Différents processus peuvent conduire à des champs électriques élevés dans la neige et la glace des régions polaires, avec le potentiel d’initier des processus de radicaux libres et un certain nombre d’autres modifications chimiques.
Représentation schématique de l’effet du "frottement asymétrique" conduisant à la charge électrique des grains de neige. Un frottement intense crée des gradients de température plus élevés et augmente les gradients de concentration des porteurs de charge, car les protons H+ migrent plus rapidement vers les régions froides.
Présentation schématique d’une fleur de givre comme exemple d’une structure de glace avec une pointe très pointue entraînant une charge négative sur la pointe de la structure.
Image de vraies fleurs de givre pour comparaison.


Référence

Kateryna Tkachenko and Hans-Werner Jacobi, Electrical charging of snow and ice in polar regions and the potential impact on atmospheric chemistry, Environmental Science : Atmospheres, DOI : 10.1039/D3EA00084B

Contact scientifique

 Hans-Werner Jacobi, Chercheur CNRS à l’institut des géosciences de l’environnement (IGE - OSUG)

[1Tutelles : CNRS, INRAE, IRD, Univ Grenoble Alpes, Grenoble INP - UGA

Mis à jour le 12 mars 2024