Protection des crues en montagne : quels sont les effets des barrages ?

©J.M. Tacnet / Irstea
Face au risque d’inondation par les crues des rivières et torrents, dont les dégâts sont aggravés par le transport de sédiments et bois flottants des cours d’eau, des milliers d’ouvrages de protection ont été construits en France dès le XIX siècle. Mais entretenir ces dispositifs et en construire de nouveaux nécessite de mieux comprendre leurs effets encore méconnus sur les processus de crues. Une thèse Irstea clarifie les dynamiques en jeu et dresse un panorama des critères de conception des barrages filtrants, en appui aux communes et ingénieurs.

Un travail novateur, distingué par le prix Jean Valembois 2017 : prix de mécanique des fluides de la Société Hydrotechnique de France.

Bassin versant schématique équipé de barrages de correction torrentielle et d’une plage de dépôt © G. Piton

Pour se prémunir des crues des torrents, faut-il entretenir les barrages à correction torrentielle, dont plus de 100 000 ont été construits dans les hauts bassins depuis 1860 ? Concevoir uniquement des plages de dépôt, ouvrages plus récents fermés par des barrages filtrants pour piéger les matériaux solides (sédiments, bois) en amont des villages ? Des interrogations que l’on retrouve aujourd’hui chez les élus et ingénieurs. Pour les aider à faire les bons choix, Guillaume Piton a étudié l’effet des barrages sur la production et le transport des matériaux solides des torrents alpins, dans le cadre d’une thèse à Irstea. Il propose, à travers une analyse des archives techniques

  • Un état de l’art des nombreux effets des barrages sur leur environnement (mouvements de terrains dans les versants, érosion de surface du lit et des torrents…)
  • Une 1ère revue internationale des critères de conception des plages de dépôt.
    Des analyses plus fines de l’influence des barrages à correction torrentielle sur le transport de sédiments, via un modèle physique, ont ensuite confirmé que l’ajout de barrage favorise un transport plus régulier des sédiments en de plus petits volumes, limitant ainsi les risques liés aux crues.
    Des analyses plus fines de l’influence des barrages à correction torrentielle sur le transport de sédiments, via un modèle physique, ont ensuite confirmé que l’ajout de barrage favorise un transport plus régulier des sédiments en de plus petits volumes, limitant ainsi les risques liés aux crues.

Concevoir la future génération d’ouvrages « sélectifs »

« Les anciens ouvrages ont été conçus avec l’objectif de limiter au maximum les flux de sédiments transportés par les crues, pourtant essentiels à l’équilibre de notre écosystème. Réouvrir certains barrages et concevoir des ouvrages « sélectifs » pour libérer un flux de sédiments optimal face aux crues qui ne représentent pas un danger, tout en limitant les flux en cas de crues exceptionnelles, est aujourd’hui nécessaire » explique Guillaume Piton. Encore faut-il comprendre les mécanismes de dépôt des sédiments dans les ouvrages.

Analyses sur modèle physique © G. Piton

Une technique innovante d’acquisition de données (mesures de la vitesse d’écoulement, topographie des dépôts) en milieu complexe a alors été développée (technique associant analyses d’images (LS-PIV) et photogrammétrie (SfM)) pour identifier précisément ces dynamiques, à l’aide d’un modèle physique déterminé sur la base de 31 plages de dépôt alpines. Ces analyses, croisées avec les 1ères observations directes de crues par caméras, ont mis en évidence des mécanismes de rétro-contrôle, c’est-à-dire que l’écoulement influence le dépôt et vice-versa. Elles ont aussi abouti au développement d’une nouvelle méthode pour estimer le transport des sédiments dans les cours d’eau pavés. Enfin cette étude souligne l’influence de la morphologie de la plage de dépôt dans la gestion du piégeage sélectif des sédiments. De précieuses données sur le fonctionnement de ces ouvrages, au service de l’ingénierie.

Des travaux salués par la communauté des hydrauliciens francophones

La Société Hydrotechnique de France (SHF), 1ère société savante dans l’animation scientifique et technique de la communauté des hydrauliciens francophones, a tenu à récompenser la qualité de ce travail scientifique par le Prix Jean Valembois 2017. Celui-ci distingue chaque année des travaux innovants en mécanique des fluides, qui présentent un intérêt technico-économique ou sociétal, et des perspectives de développement en France et à l’étranger. « Ce prix est une belle reconnaissance par mes pairs, de mon travail et de celui de mes encadrants, et encouragera certainement une diffusion plus large de ces résultats auprès des ingénieurs francophones », indique Guillaume Piton. Lauréat, il bénéficie de la publication d’une synthèse de sa thèse dans « La Houille Blanche, revue internationale de l’eau » et d’une dotation de 1000 euros. Le prix lui sera remis lors du colloque « Hydraulique des barrages » à Chambéry, les 29 et 30 novembre 2017.

Et la suite ? Post-doctorant à Irstea Grenoble, Guillaume Piton poursuit ses analyses via un modèle numérique, sur la compréhension des pièges à sédiments et matériaux flottants, en vue d’établir des recommandations pour l’ingénierie. Il prépare, en parallèle, la rédaction d’un guide général de conception des plages de dépôts en collaboration avec des spécialistes internationaux issus d’une vingtaine d’instituts. Prévu pour 2019, l’ouvrage rédigé en anglais sera traduit en plusieurs langues pour favoriser sa diffusion auprès des chercheurs et ingénieurs du monde entier.

En savoir plus

 Dossier : Digues, barrages : des risques et impacts gérés à l’échelle des territoires
 Consultez la thèse de Guillaume Piton
 Consultez la page du centre Irstea Grenoble


Source

Cette actualité est issue du site web d’Irstea.

Contact scientifique local

 Guillaume Piton,Irstea/OSUG, guillaume.piton[at]irstea.fr, 04 76 76 28 25

Mis à jour le 18 juillet 2018