Une nouvelle vue sur les facteurs clés contrôlant la réponse long terme de la calotte glaciaire du Groenland à l’eau de fonte de surface

Conduits verticaux appelés moulins qui entraînent l’eau de fonte de surface jusqu’à la base du glacier. Crédits Getty Images Signature
La façon dont la glace du Groenland s’écoule de l’intérieur vers les côtes exerce un contrôle clé sur l’ampleur de la perte de masse de la calotte lorsque les températures augmentent. Plus la glace s’écoule rapidement, plus elle atteint vite les côtes où elle va se déverser dans l’océan. Prévoir l’écoulement de la glace est toutefois une tâche difficile. Au Groenland, l’écoulement de la glace est principalement contrôlé par le glissement de la glace sur son substrat rocheux sous-jacent et sa modulation par l’eau de fonte de surface fournie à la base par des conduits verticaux appelés moulins. Jusqu’à maintenant, les théories suggèrent que l’augmentation des taux de fonte de surface réduirait en fait le glissement basal en élargissant les tunnels sous-glaciaires qui évacuent efficacement l’eau de fonte lubrifiante au niveau du lit, renforçant ainsi les contacts entre la glace et son lit. Ce mécanisme limiterait l’effet de la fonte à augmenter la perte de masse à mesure que les températures augmentent dans le futur.



Dans cette nouvelle étude publiée dans Nature, des chercheurs de l’Institut des Géosciences de l’Environnement de Grenoble (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) ont développé une approche innovante combinant des observations satellitaires et des modélisations numériques pour tester l’influence de la fonte de surface sur le glissement basal sur l’ensemble de l’ouest du Groenland.

De manière surprenante, les auteurs ont découvert que les taux de fonte de surface ne contrôlent pas le glissement basal. Au contraire, ils démontrent que c’est la morphologie terminale du glacier, selon que la glace s’écoule directement dans l’océan ou qu’elle se termine sur la terre, qui a le plus impact sur la façon dont la fonte influence le glissement basal, y compris loin à l’intérieur du Groenland. Les glaciers qui se terminent dans la mer ont une morphologie différente de celle des glaciers qui se terminent sur terre. Ils sont systématiquement plus rapides et plus raides, ce qui facilite l’élimination de l’eau basale lubrifiante, par rapport aux glaciers terrestres terminaux, qui sont plus lents et plus plats.

Ces nouvelles données suggèrent que des changements dynamiques imprévus, qui augmentent la perte de masse, sont susceptibles de se produire lors du retrait des glaciers marins à l’avenir. Cependant, l’étude suggère des moyens d’intégrer les résultats dans les modèles de calottes glaciaires, ce qui permettra aux chercheurs d’améliorer les prévisions de perte de masse et d’évolution des calottes glaciaires jusqu’à la fin du siècle.


Références

Maier, N., Gimbert, F. & Gillet-Chaulet, F. Threshold response to melt drives large-scale bed weakening in Greenland. Nature 607, 714–720 (2022). https://doi.org/10.1038/s41586-022-04927-3

Voir aussi : Livingstone, S.J. Trapped meltwater affects mass loss of Greenland ice sheet. Nature 607, 659-660 (2022)

Contacts scientifiques

 Florent Gimbert, Chercheur CNRS à l’IGE/OSUG l T + 33 6 62 73 14 98 l florent.gimbert univ-grenoble-alpes.fr
 Nathan Maier, Chercheur CNRS à l’IGE/OSUG | nathan.maier univ-grenoble-alpes.fr

Voir les principaux résultats dans cette vidéo

Mis à jour le 16 septembre 2022