Grenoble, un fort potentiel dans la gestion des risques naturels et technologiques

dossier proposé par Grenoble INP
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Grenoble, un fort potentiel dans la gestion des risques naturels et technologiques

La région Rhône-Alpes présente l’une des plus grandes concentrations en France d’organismes et d’entreprises œuvrant dans le domaine des risques naturels et technologiques. Cette thématique est largement partagée par différents laboratoires, dont certains co-pilotés par Grenoble INP, et dont les recherches touchent à plusieurs disciplines. Sans les énumérer toutes, celles-ci s’organisent principalement autour des géosciences, avec pour Grenoble INP le Laboratoire d’étude des Transferts en Hydrologie et Environnement (LTHE) pour les risques d’inondation et de pollution des sols et le Laboratoire des Ecoulements Géophysiques et Industriels (LEGI) pour l’érosion des côtes maritimes et des rivières. Les sciences pour l’ingénieur sont au cœur des recherches du Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques (3SR) sur les risques gravitaires (éboulements rocheux, glissements de terrain), sismiques et technologiques liés aux ouvrages sensibles, et du LEGI sur la pollution atmosphérique et le traitement des effluents. Sont également impliquées les sciences et technologies de l’information et les mathématiques appliquées avec le GIPSA-lab pour l’analyse des mesures par capteurs innovants et le Laboratoire Jean Kuntzmann (LJK) sur le traitement des données.

D’importants organismes de recherche possèdent sur le site grenoblois des équipes performantes, et plusieurs industriels ont tissé des liens étroits et ambitieux avec le milieu académique, comme EDF, GDF-SUEZ et le groupe ARTELIA pour ne citer qu’eux.
Rappelons enfin que Grenoble INP est membre fondateur de plusieurs structures et fédérations de recherche sur les risque (PARN, VOR, INDURA) avec de fortes implications de ses enseignants-chercheurs.

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Une région à forte sismicité, des ouvrages sensibles

Particulièrement élevé dans la région, le risque sismique menace les ouvrages de génie civil et les bâtiments qui doivent répondre à des normes réglementaires strictes. Le rôle des chercheurs du 3SR est de développer des modèles numériques avancés pour dimensionner et vérifier la vulnérabilité des structures en conséquence. Dans le cadre de la chaire d’excellence industrielle PERENITI, les chercheurs d’ISTerre (Institut des Sciences de la Terre) et de 3SR travaillent avec EDF pour comprendre comment réagissent les barrages aux perturbations sismiques. "Ainsi, le barrage de Saint Guérin dans le Beaufortain a été équipé de vélocimètres visant à mettre en évidence les mouvements de structure consécutifs aux séismes régionaux, explique Frédéric Dufour. L’idée est d’analyser la variabilité spatiale de ces mouvements à l’échelle du barrage et de regarder l’influence de cette variabilité sur le comportement de l’ouvrage". Encore inachevés, ces travaux devraient permettre de mieux identifier les marges de sécurité sur de tels ouvrages et de comprendre pourquoi in fine les barrages en béton réagissent très bien aux séismes. Piloté par le laboratoire et associant 9 partenaires, le projet ANR MACENA porte quant à lui sur la maîtrise du confinement des enceintes des centrales nucléaires en cas d’accident. "L’objectif est de caractériser et modéliser le comportement mécanique et de confinement des enceintes dans des conditions de température et de pression similaires à celles observées à Fukushima". L’enjeu est de taille face à la demande croissante en énergie de nos sociétés et à leurs exigences en termes de sureté.

L’eau, facteur du risque le plus important

En France comme dans le reste du monde, le risque d’inondation reste de loin le risque naturel le plus courant. Selon le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, un tiers des communes est concerné à des degrés divers, dont 300 grandes agglomérations. Pour mieux anticiper ces événements, Anne-Catherine Favre, professeur à Grenoble INP – Ense3 et chercheuse au LTHE, travaille à l’amélioration des modèles de prévisions hydrologiques (prévisions des apports en eau), et à la calibration des prévisions météorologiques et hydrologiques d’ensemble. "Plusieurs chercheurs au LTHE utilisent par exemple la méthode des analogues, qui se base sur le principe que deux situations atmosphériques similaires donnent lieu à des situations météorologiques locales similaires".

La statisticienne s’occupe également de prédiction, c’est-à-dire d’estimer la probabilité d’apparition d’un événement en utilisant les simulations issues des modèles climatiques. Le but principal est de dimensionner les ouvrages de génie civil de façon à ce qu’ils soient capables de résister aux évènements extrêmes (avec un temps de retour élevé, c’est-à-dire une probabilité d’apparition faible). "Auparavant, on faisait du dimensionnement dans un contexte stationnaire, explique la chercheuse. Mais aujourd’hui, on doit tenir compte du changement climatique, qui fait qu’il y aura probablement de plus en plus fréquemment des événements dits extrêmes". Malheureusement, pour ces événements extrêmes, les modèles présentent une très large marge d’incertitude. "Afin d’y remédier, des chercheurs décomposent les sources d’incertitude, pour essayer de la réduire là où elle est la plus importante".
Déposé en 2013, le projet soutien à l’excellence et à l’innovation (SEI) de Grenoble INP MEPIERA (Méthodologies innovantes pour l’ingénierie de l’eau et des risques associés) piloté par Anne-Catherine Favre, a permis d’initier des collaborations interdisciplinaires entre différents laboratoires qui déboucheront peut-être sur des appels d’offre types Agence nationale de la recherche (ANR) ou projet européen, susceptibles de donner au site grenoblois le rayonnement qu’il mérite dans ce domaine.

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Le risque littoral au coeur des recherches du LEGI

De la Normandie au Pays basque en passant par la Bretagne et l’Aquitaine, près d’un quart du littoral français est concerné par le recul des plages sableuses, qui perdent près d’un mètre par an en moyenne. Certaines plages de Méditerranée sont également concernées par ce phénomène naturel dont l’origine a plusieurs explications : la montée du niveau des océans, le changement du régime de tempêtes, la disparition de végétaux stabilisant dunes ou arrières plages, ou encore la diminution des apports terrigènes en sable à la suite de la construction de nombreux barrages dans les bassins-versants des fleuves. Cette érosion doit être prise en compte pour l’aménagement des zones côtières où la population augmente à un rythme plus rapide que dans d’autres parties du territoire.

Prédire le recul du trait de côte
Au LEGI, une équipe élabore des modèles numériques visant à simuler le recul du trait de côte. « Notre mission est de prédire le recul du trait de côte et sa dynamique, en fonction du climat, essentiellement de la houle liée aux tempêtes », explique Eric Barthélémy, professeur à Grenoble INP – Ense3 et chercheur au LEGI. Pour cela, les scientifiques s’appuient sur le canal à houle du laboratoire en confrontant les résultats expérimentaux aux modèles numériques. « La canal à houle est un canal en verre de 36 mètres de long, de 1,3 mètre de profondeur et de 55 centimètres de largeur. Il est équipé à l’une de ses extrémités d’un batteur piston, déplacé par un vérin hydraulique permettant d’engendrer des ondes solitaires, des vagues régulières ou aléatoires en fréquence et en amplitude, et de reproduire ainsi le mouvement de la houle. » Les essais réalisés sur cet instrument permettent de mieux comprendre la dynamique des sédiments : comment le sable est-il mobilisé, transporté ? etc.
De la même façon, on peut étudier le processus de transport de sédiments dans les rivières et les fleuves. « Julien Chauchat, du laboratoire, développe un modèle dit « diphasique », en opposition avec l’approche classique, qui consiste à traiter séparément la phase solide en mouvement (sédiments) et le fluide porteur, indique Eric Barthélémy. Mais cela reste lourd à mettre en place pour prédire les évolutions à l’échelle d’une rivière ».
Par ailleurs, des chercheurs du LEGI sont associés au projet WATU financé par l’ERC* dont le porteur est Nicolas Mordant, de l’Université Joseph Fourier et membre du LEGI. Ce projet se focalisera sur l’étude des propriétés statistiques de la turbulence d’onde dont les applications touchent aussi à la compréhension des propriétés des climats de houles dans l’océan. A suivre…

Plusieurs formations... dont un MOOC !

Grenoble INP - Ense3 propose plusieurs cursus en lien avec la gestion des risques naturels et technologiques. La filière Hydraulique, Ouvrages et Environnement (HOE) forme, entre autres, les futurs ingénieurs pour concevoir, construire et gérer les aménagements de génie civil dans le but de garantir la disponibilité et la qualité de l’eau et de prévenir les risques d’inondation et de sécheresse. L’UE (Unité d’Enseignement) "Risques naturels et changements climatiques" propose quant à elle une vue d’ensemble de la problématique du risque naturel et des effets du changement climatique sur la stabilité des ouvrages (notamment liés à la transition entre sol non saturé et saturé). Elle couvre en particulier le risque sismique et le risque gravitaire. Un master recherche en anglais, co-habilité avec l’UJF (GCER), permet aux étudiants d’approfondir leurs connaissances en mécanique des géomatériaux (sols, roches, béton), mécanique du solide et des structures, géotechnique, interaction sol-structure et les risques naturels. Enfin, depuis novembre 2014, Grenoble INP propose également le MOOC* intitulé "Des rivières et des hommes". Coordonné par Grenoble INP, ce MOOC est le résultat du travail de sept experts et propose des méthodes et techniques robustes utilisables au Nord comme au Sud pour la gestion durable des rivières et la gestion des risques.

*Massive Open Online Courses, en français "Cours en ligne ouverts à tous"

Mis à jour le 7 juillet 2021