Vers une meilleure compréhension de la structure spatiale et de la dynamique temporelle des réseaux d’interactions complexes – théorie, modélisation et analyse de données

Marc OLHMANN, LECA, Oct. 2016 - Oct. 2019

Doctorant : Marc OLHMANN, LECA, Oct. 2016 - Oct. 2019
Direction : Wilfried THUILLER (LECA)
Financement : 50% ERC Grant TEEMBIO / 50% Labex
Ecole Doctorale : Chimie & Sciences du vivant ; Grenoble

Contexte scientifique

Les changements environnementaux (climat, pollution, utilisation des terres) modifient la dynamique et la structure de la biodiversité et des services associés (1). Les réseaux écologiques sont désynchronisés avec des conséquences inattendues sur le fonctionnement des écosystèmes. En conséquence, prédire la réponse de la biodiversité aux changements globaux est devenu un champ de recherche extrêmement actif, avec des attentes fortes des gestionnaires de la biodiversité et des plateformes environnementales (ex. : IPBES). Cependant, cette pression a mené à des prédictions qui vont souvent bien au-delà de notre compréhension des systèmes écologiques (2-4).
En effet, la plupart des modèles de biodiversité ignorent toujours la plupart des mécanismes, tels que les interactions biotiques et les liens entre les différents compartiments de la biodiversité (ex. : interactions plantessols, plantes-herbivores). Pourtant la biodiversité n’est pas la simple somme des espèces, mais résulte des interactions entre espèces qui forment des assemblages multitrophiques avec des caractéristiques fonctionnelles et évolutives différentes. Les modèles qui ignorent ces mécanismes ne peuvent fournir des prédictions fiables de comment les changements globaux affecteront la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes (3). De telles conclusions ne peuvent être réalisées que si la chaine complète d’interactions (environnement – assemblages multitrophiques - fonctionnement) est explicitement comprise, modélisée et prédite. Ceci passe par des avancées notables sur la compréhension théorique des réseaux d’interactions et les outils de modélisation pour prédire comment les interactions multitrophiques varient dans l’espace et le long de conditions environnementales, et comment les caractéristiques fonctionnelles des assemblages influencent ces variations. En particulier, le lien entre assemblages multitrophiques et fonctionnement des écosystèmes reste peu clair, ce qui interdit la prédiction à large échelle de la dynamique de la biodiversité et des écosystèmes en réponse aux changements globaux.

Ce projet de thèse se repose sur le concept de metaweb (5) qui permet d’intégrer plusieurs champs disciplinaires. Une metaweb résume les interactions trophiques et non trophiques d’un pool d’espèce donné. Ainsi la metaweb généralise le pool régional d’espèces de l’écologie des communautés en incorporant les relations potentielles entre les espèces de groupes trophiques différents ou non, et leurs caractéristiques fonctionnelles et évolutives (6). De la même manière que les communautés locales sont supposées dériver d’un pool régional d’espèce (7), les réalisations locales d’un réseau sont vues comme un sous-jeu de la metaweb. Comprendre et prédire les assemblages multitrophiques offre l’un des enjeux les plus forts en écologie et biogéographie. Il y a donc un besoin important de développer un cadre de recherche pour évaluer l’impact des changements globaux sur la structure et la composition des assemblages multitrophiques le long des échelles spatiales et des gradients environnementaux.

Objectifs et plan de thèse

Ce projet de thèse vise donc à intégrer la biogéographie, l’écologie des communautés et l’écologie des réseaux par des approches analytiques et de physique statistique pour dériver des prédictions robustes de l’impact des changements globaux sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. The projet visera à comprendre la construction des assemblages multitrophiques à partir d’un pool régional d’espèce (c. a.d. la metaweb) en fonction de l’échelle et de l’environnement et comment cette construction est influencée par les caractéristiques fonctionnelles et évolutives des espèces ou des lignées constitutives. Deuxièmement, le projet se focalisera sur la construction de modèle dynamique de réseaux sur deux jeux de données déjà collectées qui permettront de tester les effets d’extinctions en cascade sur la stabilité des réseaux d’interactions complexes. Enfin, le projet s’attachera à comprendre comment les réseaux écologiques influencent le fonctionnement des écosystèmes à large échelle.

Acquisition et gestion des données et échantillonnage

Le projet de thèse reposera sur deux types de données qui permettront de répondre aux questions posées. D’une part, un jeu de données appelé EUROPE, qui inclut la distribution de tous les vertébrés européens (de 300m à 50km de résolution), leurs relations trophiques et non trophiques, leurs traits fonctionnels et leurs relations phylogénétiques. Les données environnementales, de couverture du sol et de fonctionnement sont également disponibles au LECA. Le projet utilisera majoritairement deux autres jeux de données d’ADN environnemental provenant d’échantillonnage de sol sur l’ensemble de l’Arc alpin (60 points d’échantillonnages) et sur de multiples gradients dans les Alpes françaises. Ces échantillonnages de sol ont permis (pour l’Arc alpin) et permettront (pour les Alpes françaises) de caractériser les communautés végétales, microbiennes (fongus, bactéries et archaea), insectes, nématodes et araignées/opilions. Sur chacun des sites d’échantillonnage, des mesures de sol et climatiques ont aussi été effectuées.

Références citées (références de l’équipe d’accueil en gras)

  1. C. Parmesan, Ecological and evolutionary responses to recent climate change. Annual Review of Ecology, Evolution and Systematics 37, 637 (2006).
  2. N. Mouquet et al., Improving predictive ecology in a changing world. Journal of Applied Ecology 52, 1293 (2015).
  3. W. Thuiller et al., A road map for integrating eco-evolutionary processes into biodiversity models. Ecol. Lett. 16, 94 (2013).
  4. O. L. Petchey et al., The ecological forecast horizon, and examples of its uses and determinants. Ecol. Lett. 18, 597 (Jul, 2015).
  5. J. A. Dunne, in Ecological Networks : Linking Structure to Dynamics in Food Webs. (2006), pp. 27-86.
  6. D. Gravel, C. Albouy, W. Thuiller, The meaning of functional trait structure and diversity to food web dynamics. Philos. T. R. Soc. Lon. B., in press (2016).
  7. E. Weiher, P. Keddy, Eds., Ecological Assembly Rules : Perspectives, Advances, Retreats, (Cambridge University Press, Cambridge, 1999).
  8. J. Liu et al., Explaining maximum variation in productivity requires phylogenetic diversity and single functional traits. Ecology 96, 176 (Jan, 2015).
  9. K. Mokany, J. Ash, S. Roxburgh, Functional identity is more important than diversity in influencing ecosystem processes in a temperate native grassland. Journal of Ecology 96, 884 (Sep, 2008)
  10. A. D. Barnes et al., Consequences of tropical land use for multitrophic biodiversity and ecosystem functioning. Nature Communications 5, (Oct, 2014).
  11. R. M. Thompson et al., Food webs : reconciling the structure and function of biodiversity. Trends Ecol. Evol. 27, 689 (Dec, 2012).
  12. P. Yodzis, S. Innes, Body Size and Consumer-Resource Dynamics. American Naturalist 139, 1151 (Jun, 1992).

Mis à jour le 11 avril 2018