Agir sans attendre pour le climat : la clé d’un avenir vivable

Publication de la synthèse du sixième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)
Fog Opening the Dawn, Jeong Jinsil. Weather and Climate Photography & Video Contest 2021 Korea Meteorological Administration
Dans leur dernier rapport, publié aujourd’hui, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le soulignent : nous disposons de plusieurs solutions réalistes et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour nous adapter au changement climatique d’origine humaine – et ces solutions sont aujourd’hui à portée de main. « Une action climatique équitable et efficace portée à l’échelle planétaire réduira non seulement les pertes et les dommages infligés à la nature et aux populations, mais nous apportera aussi d’autres avantages », a déclaré Hoesung Lee, Président du GIEC. « Ce Rapport de synthèse fait ressortir que des mesures plus ambitieuses s’imposent de toute urgence et que, si nous agissons maintenant, nous pouvons encore garantir un avenir durable et vivable à toute la planète ».

En 2018, le GIEC soulignait que limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C constituait un défi inédit. Cinq ans plus tard, ce défi a pris encore plus d’ampleur du fait de l’augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre. La cadence et l’envergure des mesures prises jusqu’ici, tout comme les mesures planifiées à ce jour, ne sont pas suffisantes pour faire face au changement climatique.

Plus d’un siècle de combustion de matières fossiles et d’une utilisation inégale et non durable de l’énergie et des sols a entraîné une élévation de la température de 1,1 °C par rapport à la période préindustrielle. Ce réchauffement se traduit par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, qui ont des conséquences de plus en plus dangereuses pour les milieux naturels et les populations de toutes les régions du monde.

Tout réchauffement supplémentaire aggrave rapidement les dangers auxquels nous sommes exposés. Une intensification des vagues de chaleur, des précipitations abondantes et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes augmentent encore les risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Sur tous les continents, des personnes meurent par suite de chaleurs extrêmes. Selon les projections actuelles, l’insécurité alimentaire et l’insécurité de l’approvisionnement en eau s’accroîtront à mesure que la planète se réchauffera. Lorsque ces risques se conjuguent avec d’autres circonstances néfastes, telles que des pandémies ou des conflits, ils deviennent encore plus difficiles à gérer.

Les pertes et dommages mis au premier plan

Le Rapport, approuvé au cours d’une session d’une semaine qui s’est tenue à Interlaken, met en exergue les pertes et les dommages que nous subissons déjà et qui perdureront à l’avenir, pour frapper sans pitié les personnes et les écosystèmes les plus vulnérables. En prenant aujourd’hui les mesures qui s’imposent, nous ouvrirons la voie aux transformations profondes indispensables à l’avènement d’un monde durable et équitable.

« L’instauration d’une justice climatique est essentielle, car les populations qui contribuent le moins au changement climatique en subissent des conséquences disproportionnées », a déclaré Mme Aditi Mukherji, au nombre des 93 auteurs du Rapport de synthèse qui vient clore le sixième cycle d’évaluation du GIEC. « Près de la moitié de la population mondiale vit dans des régions extrêmement vulnérables au changement climatique. Au cours de la dernière décennie, les décès dus à des inondations, des sécheresses et des tempêtes ont été 15 fois plus nombreux dans les régions très vulnérables », a-t- elle ajouté.

Au cours de cette décennie, nous devons renforcer de toute urgence les mesures d’adaptation au changement climatique pour qu’elles puissent enfin répondre aux besoins. Par ailleurs, il ne sera pas possible de limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels sans une réduction radicale, rapide et durable des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs. Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, nous devons diminuer les émissions dès aujourd’hui et les réduire de près de 50 % d’ici à 2030.

La voie à suivre

La solution est claire : il faut instaurer un développement résilient au changement climatique. Il s’agit d’intégrer les mesures d’adaptation au changement climatique et les mesures permettant de réduire ou d’éviter les émissions de gaz à effet de serre, en optant pour des méthodes qui nous offrent d’autres avantages.

Par exemple, l’accès à des énergies et technologies propres est favorable à la santé, en particulier pour les femmes et les enfants. De même, l’électrification à faible émission de carbone ainsi que les déplacements à pied, à bicyclette et en transport public assainissent l’air, améliorent la santé, créent des emplois et favorisent l’équité. Ainsi, à elles seules, les économies de santé publique réalisées grâce à l’amélioration de la qualité de l’air seraient à peu près égales, ou peut-être même supérieures, au coût de la réduction ou de la suppression des émissions.

Plus la planète se réchauffe, plus l’instauration d’un développement résilient devient complexe. Les choix que nous opérerons au cours des prochaines années seront décisifs pour notre avenir et celui des générations futures.

Pour porter leurs fruits, ces choix doivent s’ancrer dans nos diverses valeurs, perspectives et connaissances, qui comportent les connaissances scientifiques, les connaissances autochtones et les connaissances locales. Cette approche facilitera l’instauration d’un développement résilient au climat, de même que l’adoption de solutions adaptées aux besoins locaux et acceptables pour la société.
« Pour une amélioration maximale du bien-être, il faudrait mettre plus particulièrement l’accent sur la réduction des risques climatiques des populations à faibles revenus et des communautés marginalisées, y compris les personnes vivant dans des établissements informels », indique Christopher Trisos, l’un des auteurs du Rapport. « Nous ne pourrons pas accélérer l’action climatique si nous ne multiplions pas les ressources que nous lui affectons. L’insuffisance et l’inadéquation du financement freinent les progrès. »

Ouvrir la voie au développement durable

Si nous parvenons à réduire les obstacles actuels, nous disposons de suffisamment de capitaux sur la planète pour diminuer rapidement les émissions de gaz à effet de serre. Il nous faut investir davantage de ressources au profit du climat pour atteindre les objectifs climatiques planétaires. Les gouvernements, en faisant bon usage des fonds publics et en donnant des signaux clairs aux investisseurs, peuvent considérablement contribuer à réduire ces obstacles. Les investisseurs, les banques centrales et les organismes de réglementation financière peuvent également jouer un rôle décisif.

En renforçant des mesures de politique générale qui ont fait leurs preuves et en les appliquant à plus grande échelle, nous pouvons réduire radicalement les émissions et œuvrer pour la résilience au changement climatique. L’engagement politique, la coordination des stratégies, la coopération internationale, la gestion responsable des écosystèmes et une gouvernance inclusive favorisent aussi très utilement une action climatique efficace et équitable.

Si nous mettons en commun nos technologies, notre savoir-faire et nos mesures politiques les plus pertinentes, si nous dégageons suffisamment de ressources dès à présent, toutes les populations pourront réduire ou supprimer leur consommation à forte intensité de carbone. Parallèlement, si nous investissons suffisamment de ressources dans les mesures d’adaptation, nous pourrons prévenir l’escalade des risques, en particulier pour les groupes et les régions vulnérables.

Le climat, les écosystèmes et la société humaine sont interconnectés. La préservation équitable et efficace d’environ 30 à 50 % des terres émergées, des eaux douces et des océans contribuera à garantir la santé de la planète. Les zones urbaines offrent de plus l’occasion d’opter, à l’échelle mondiale, pour une action climatique ambitieuse contribuant au développement durable.

En apportant des modifications dans le secteur alimentaire, dans les domaines de l’électricité, des transports, de l’industrie et de la construction ainsi que dans l’utilisation des terres, nous pouvons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces mêmes modifications peuvent faciliter l’adoption de modes de vie à faible émission de carbone, au profit de la santé et du bien-être. De plus, une meilleure compréhension des conséquences de la surconsommation peut contribuer à des choix plus éclairés.

« Les transformations de fond ont plus de chances de porter leurs fruits lorsque règne la confiance, lorsque tout le monde collabore pour se concentrer sur la réduction des risques, et lorsque les avantages et les charges se répartissent équitablement », souligne M. Lee. « Nous vivons dans un monde riche en diversité, dans lequel chacun et chacune assume des responsabilités différentes et a sa propre marge de manœuvre pour contribuer aux évolutions. Certaines personnes disposent de moyens suffisants pour avoir un grand impact, alors que d’autres auront besoin d’aide pour gérer le changement. »

Le GIEC

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est l’organisme des Nations Unies chargé d’évaluer les travaux scientifiques actuels consacrés aux changements climatiques. Créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il a pour mission de fournir aux décideurs, à intervalles réguliers, une évaluation scientifique des changements climatiques. Le GIEC comprend 195 États membres, qui sont Membres de l’ONU ou Membres de l’OMM.

Des milliers de personnes du monde entier contribuent aux travaux du GIEC. Aux fins de la rédaction de ses rapports d’évaluation, des experts étudient à titre bénévole les milliers d’articles scientifiques qui sont publiés chaque année afin d’élaborer une synthèse de l’ensemble des connaissances sur les facteurs favorisant le changement climatique, les incidences de ce dernier, les risques qu’il entraîne pour l’avenir et l’efficacité des mesures d’adaptation et d’atténuation. Une caractéristique essentielle du processus est que les spécialistes et les gouvernements membres procèdent à leur analyse en toute transparence afin de garantir des évaluations objectives et complètes ainsi que de tenir compte des différents points de vue et des divers domaines.

Le GIEC s’est doté de trois groupes de travail : le Groupe de travail I (qui s’intéresse aux aspects scientifiques de l’évolution du climat), le Groupe de travail II (qui se concentre sur les incidences du réchauffement planétaire, les mesures d’adaptation et la vulnérabilité des systèmes naturels et socio-économiques) et le Groupe de travail III (qui évalue les possibilités d’atténuer le changement climatique). Le GIEC s’est également adjoint une Équipe spéciale pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre, qui élabore des méthodes pour mesurer les taux d’émission et d’absorption de ces gaz.

Grâce aux évaluations du GIEC, les membres des gouvernements, à tous les niveaux, disposent d’informations scientifiques utiles pour élaborer leurs politiques climatiques. Ces évaluations jouent un rôle essentiel dans le cadre des négociations internationales sur les mesures à prendre pour faire face au changement climatique. La rédaction et la révision des rapports du GIEC s’opèrent en plusieurs étapes afin de garantir leur exactitude, leur objectivité et leur transparence.


Pour aller plus loin

Lire un entretien avec Gerhard Krinner recueilli par le CNRS

Contact scientifique local

 Gerhard Krinner, chercheur CNRS à l’IGE/OSUG est membre du groupe d’auteurs du Rapport de Synthèse du GIEC.

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Mis à jour le 31 mars 2023