Un important glacier du nord du Groenland montre des signes dramatiques d’affaiblissement

Plateforme de glace flottante du glacier Petermann en août 2009, vue depuis un hélicoptère. Photo de David Riedel, Colombie-Britannique (source : icyseas.org).

Le glacier Petermann, au nord du Groenland, est l’un des plus grands glaciers de l’inlandsis groenlandais. Ce glacier est l’un des seuls de l’Arctique à posséder une extension flottante, appelée plateforme de glace, de plus de 60 km de long. Ces plateformes sont des éléments essentiels car elles stabilisent la glace qui ne flotte pas. Mesurer les changements affectant ces plateformes est donc crucial car leur disparition peut entraîner une augmentation du déversement d’icebergs dans l’océan et donc une augmentation du niveau de la mer.

Le glacier Petermann était considéré comme stable car il avait très peu réagi au réchauffement de l’océan et de l’atmosphère, qui a largement affecté les autres glaciers groenlandais. À l’aide de plusieurs centaines de données d’imagerie satellitaire provenant de l’Agence spatiale européenne (ESA), de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et de l’Agence spatiale italienne (ASI), une collaboration internationale de scientifiques a pu observer les changements qui ont affecté la plateforme glaciaire de Petermann au cours des 30 dernières années :

Grâce à des méthodes interférométriques de pointe, nous avons mesurer très précisément la position de la ligne d’échouage du glacier, a déclaré Romain Millan, chercheur CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) et auteur principal de l’article.

La ligne d’échouage est la limite où le glacier commence à flotter pour devenir une plateforme de glace.

La mesure de la localisation de cette frontière, car elle exerce un contrôle important sur la stabilité du glacier, c’est une donnée très utile qui est, entre autres, un très bon indicateur de la réaction du glacier au changement climatique, a déclaré Pietro Milillo, chercheur à l’université de Houston et co-auteur de l’étude.

Si le glacier est resté relativement stable depuis les années 1990, les chercheurs ont récemment observé un changement spectaculaire dans le comportement du glacier.

Au cours des sept dernières années, nous avons assisté à une série d’événements qui montrent tous les signes d’une déstabilisation de ce secteur du Groenland, a révélé R. Millan.

Entre 2014 et 2015, le flux du glacier a commencé à s’accélérer de manière significative. Après cet événement, deux grandes fissures se sont ouvertes, ce qui a divisé la plateforme de glace en trois parties différentes. Depuis 2017, le glacier est à nouveau actif et sa ligne d’échouage a reculé de façon spectaculaire :

Entre 2017 et 2021, la ligne d’échouage du glacier a reculé de 5 km ! Cela dépasse de loin la variabilité naturelle que nous observons habituellement avec ce glacier, a précisé R. Millan.

Pour les scientifiques, ces événements suggèrent une déstabilisation imminente du Petermann, longtemps épargné jusqu’à présent :

C’est une nouvelle vraiment importante pour ce glacier et pour le Groenland en général, a déclaré Jérémie Mouginot, chercheur CNRS à l’IGE et deuxième auteur de l’étude.

Depuis les années 1970, les scientifiques ont mesuré une augmentation significative des températures océaniques dans cette zone. Les changements de température de l’océan peuvent accroître la fonte sous les plateformes de glace.

Nous pensons que les événements dramatiques qui se produisent actuellement sont les conséquences d’un affaiblissement à long terme de la plateforme de Petermann, dû en partie au réchauffement des eaux océaniques, a indiqué R. Millan.

Vue schématique des processus observés sur la partie flottante du glacier Petermann, au nord du Groenland. (crédit. R. Millan)

L’affaiblissement des plateformes est une question importante, notamment en Antarctique, où la plupart des glaciers se terminent par des extensions flottantes, comme le glacier Petermann.

Le Groenland est soumis à un plus large éventail de forçages climatiques, l’observation de ce qui s’y passe pourrait donc nous aider à mieux comprendre ce qui pourrait arriver à l’Antarctique dans le futur, a conclu R. Millan.

Après la rupture meurtrière du glacier Marmolada dans les Alpes et au Tadjikistan, les effondrements rapides de glaciers s’accumulent sous toutes les latitudes, comme des signes toujours plus criants des changements qui affectent notre planète, ce qui appelle à une action immédiate pour agir contre la crise climatique.

Ce projet a été financé par l’Agence Nationale de la Recherche, les données ont été traitées à l’Institut des Géosciences de l’Environnement et à l’Université de Houston, USA.


Références

Millan, R., Mouginot, J., Derkacheva, A., Rignot, E., Milillo, P., Ciraci, E., Dini, L., and Bjørk, A. : Ongoing grounding line retreat and fracturing initiated at the Petermann Glacier ice shelf, Greenland, after 2016, The Cryosphere, 16, 3021-3031, https://doi.org/10.5194/tc-16-3021-2022, 2022.

Contact scientifique

 Romain Millan, Post-doctorant CNRS à l’Université de Copenhague et à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG) et auteur principal l romi ign.ku.dk

Voir les résultats principaux dans cette vidéo




Article relayé par le CNRS - INSU.

Mis à jour le 20 septembre 2022