Dynamique de la Biodiversité à la Réunion reconstruite à partir d’ADN sédimentaire

Personne à contacter : Laurent Brémond, laurent.bremond umontpellier.fr

Description scientifique du stage

Si l’insularité a permis le développement d’espèces endémiques, elles sont maintenant rendues beaucoup plus vulnérable à l’extinction à cause de activités anthropiques. Les iles des Mascareignes parmi lesquelles se trouve La Réunion présentent ainsi un fort taux d’endémisme, une biodiversité extraordinaire mais la pression anthropique croissante et les changements globaux en font des zones critiques de conservation de la diversité biologique. Bien que ces îles aient été colonisées tardivement par les humains - La Réunion il n’y a 350 ans - elles ont connu une défaunation rapide et massive entrainant des ruptures définitives d’interactions plantes-animaux ainsi que l’introduction d’espèces invasives beaucoup plus compétitives. Notre projet scientifique sur lequel repose le stage de Master 2 est d’estimer la dynamique de la diversité biologique sur le long terme pour identifier les périodes d’accélérations et les points de bascules des communautés biologiques pré- et post-perturbations anthropiques. Pour cela, nous étudierons la diversité biologique temporelle issue de l’analyse de l’ADN sédimentaire (sedADN) d’un petit lac naturel qui a enregistré plusieurs centaines d’années de changements environnementaux majeurs. En effet, ce petit lac, proche de Hell-Bourg, dénommé « Mare à poule d’eau », a subi de profonds changements d’utilisation des terres depuis la colonisation de l’île et très probablement un remplacement rapide des communautés de poissons puisqu’il est aujourd’hui rempli de Tilapia (Oreochromis sp.), espèces envahissantes introduites au début des années 1960 pour l’aquaculture.

L’approche envisagée pour cette étude est celle du « code-barre ADN » ou métabarcoding , c’est-à-dire le séquençage à haut-débit de petits fragments d’ADN piégé dans les sédiments. Cette approche est un outil taxonomique original en plein essor qui présente un fort potentiel car il permet d’accéder de manière inédite à la diversité des organismes biologiques sur le long terme. Dans une étude récente, nous avons montré que les sédiments de lacs tropicaux pouvaient conserver de l’ADN de plantes pendant plusieurs milliers d’années et que les plantes de bords de rives étaient particulièrement bien représentées (Bremond et al., 2017). D’autre part, nous travaillerons aussi sur la diversité des communautés de poissons afin d’estimer les taux de changements ainsi que leur vitesse. En effet, ce groupe actuellement représenté à La Réunion par 28 espèces de poissons d’eau douce indigènes dont deux endémiques mais cette diversité est fortement menacée par les activités anthropiques.
En pratique, dans les sédiments, les fragments d’ADN de plantes que nous recherchons sont très courts (10-143 paires de bases, pb) et correspondent à la boucle P6Loop qui représentent une partie de l’intron chloroplastique trnL (245-767 pb). Ce fragment d’ADN chlroplastique, bien que très court, est néanmoins très informatif, permettant d’identifier les taxons au niveau du genre voire de l’espèce (Taberlet et al., 2007). Pour les poissons, nous utiliserons un fragment de la cytochrome c oxydase I (COI), marqueur largement utilisé dans le cadre du projet « Barcode of Life » (https://ibol.org/) pour caractériser la biodiversité animale. L’extraction de l‘ADN à partir des sédiments se fera au sein de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier dans des locaux dédiés à l’étude des ADNs dégradés dont un des encadrants (CT) est le gestionnaire et le responsable scientifique.

Caractère innovant du projet

Jusqu’à maintenant, l’analyse de ce type d’ADN a été essentiellement conduite sur des échantillons provenant de régions tempérées ou boréales. Les régions tropicales, en revanche, ont été négligées bien qu’elles méritent une attention particulière du fait de l’importante diversité de la flore. Notre étude sur le lac Sélé au Bénin a cependant révélé la pertinence d’une analyse de sedADN pour identifier les changements passés dans la diversité des plantes et les pratiques agricoles sur les bords de ce lac. Cette approche n’a encore jamais était faite à La Réunion et, d’une manière générale, en outre-mer. La carotte de sédiment qui servira de support à l’étude a été échantillonnée en novembre 2020 (en collaboration avec le laboratoire EDYTEM et l’Université de La Réunion) et conservée à 4°C pour éviter la détérioration de l’ADN. Des analyses XRF à haute résolution permettant de caractériser la dynamique des dépôts ont déjà été réalisées et la datation des sédiments est en cours.

Mis à jour le 8 novembre 2021